L’invitée qui n’est plus une surprise mais dont l’heure d’arrivée aura beaucoup varié.
La facturation électronique s’invite dans les cabinets d’avocats mais quand passerons-nous tous à table ? on savait qu’elle viendrait, mais personne ne s’attendait à tant de reports. Initialement prévue pour 2024, la réforme a été repoussée à :
- septembre 2026 pour les grandes entreprises et les ETI,
- septembre 2027 pour les PME et les micro-entreprises, ces dernières incluant la majorité des cabinets.
Une valse-hésitation qui aura donné un peu de vertige tout en offrant aussi un peu plus de temps pour se préparer.
Le risque est qu’à force de donner la sensation de ricochets temporels, on aura pu finir par se convaincre que le temps de « consommer » ce mets nouveau ne viendrait jamais. Une sensation de « réchauffé » alors même que le premier service n’a pas encore été assuré.
Pourquoi ces atermoiements ? Officiellement, il s’agit de laisser aux entreprises le temps de s’adapter. De « mauvaises esprits » ont aussi pu suggérer qu’il fallait peaufiner la recette de la plateforme gouvernementale. Certains murmurent en couloir que l’État a besoin d’un peu de répit face à l’ampleur du chantier. Une chose est sûre : cette fois, la date semble actée. Enfin, presque. Car tout dépendra de la prorogation de la dérogation européenne, sans laquelle le calendrier pourrait encore être bousculé.
Nouveau met mais ingrédient inchangé : la confidentialité.
Ce qui change pour les avocats, c’est avant tout une révolution des usages. Exit les factures en PDF, place aux formats structurés, intégrables et traçables. Les données devront transiter par des plateformes agréées, avant d’être transmises à l’administration fiscale. Une petite révolution qui cache une autre exigence forte : le secret professionnel, pilier de la profession, doit être préservé à tout prix.
Le Conseil National des Barreaux a été clair : les avocats ne transmettront ni l’identité de leurs clients, ni la nature précise des services rendus. Seules les données strictement nécessaires au e-reporting seront communiquées. Une ligne rouge qui rappelle que, même à l’ère du tout-numérique, certaines règles ne se négocient pas. Le CNB a d’ailleurs exigé que les avocats ne soient soumis qu’au e-reporting, évitant ainsi les écueils de l’e-invoicing, trop intrusif pour une profession où la confidentialité est reine.
Pour une parfaite compréhension il est important de revenir sur le jargon. En effet, la facturation électronique recouvre deux notions principales :
- « e-invoicing » ou émission/transmission de factures électroniques entre entreprises ;
- « e-reporting », c’est-à-dire la communication à l’administration fiscale de données de facturation ou de transaction.
La réception démarrera dans un an en France avec inspiration venue d’ailleurs
Le calendrier est désormais connu. À l’étranger, les approches varient. L’Italie, pionnière, a généralisé la facturation électronique dès 2019, avec un succès indéniable en matière de lutte contre la fraude. L’Allemagne, pragmatique, mise sur une transition progressive à partir de 2026, en laissant une grande liberté aux entreprises. La Suède, enfin, prouve que le volontariat peut fonctionner : si le B2G est obligatoire, le B2B reste une option largement adoptée par les entreprises.
Chaque pays a sa méthode, mais tous partagent un même objectif : moderniser les échanges tout en préservant les spécificités locales. En France, la transition s’annonce plus laborieuse, entre méfiance des professionnels et complexité administrative. Pourtant, derrière les craintes se cachent des opportunités.
Derrière l’amertume du goût imposé, de nouvelles habitudes profitables
Les avocats ont de quoi s’inquiéter : complexité technique, coût de la transition, risque pour le secret professionnel. Mais ils ont aussi tout à gagner. Moins de paperasse, une trésorerie mieux pilotée, et surtout, un nouveau rôle à jouer auprès de leurs clients. Car qui mieux qu’un avocat pour accompagner une entreprise dans sa transition numérique, tout en veillant au respect des règles ?
Trois étapes suffisent pour se préparer. D’abord, choisir un outil adapté, compatible avec les exigences déontologiques de la profession. Ensuite, intégrer la facturation électronique dans le workflow du cabinet, pour en faire une routine plutôt qu’une corvée. Enfin, former les équipes, car une réforme, aussi bien pensée soit-elle, ne réussit que si elle est comprise et maîtrisée.
Finalement, une saveur heureuse, une fois la recette maitrisée
La facturation électronique n’est pas qu’une contrainte. C’est une chance de repenser la relation entre le cabinet et ses clients, de moderniser des processus parfois archaïques, et de placer l’avocat au cœur de l’économie numérique. À condition, bien sûr, de ne pas sacrifier ce qui fait l’âme de la profession : le secret, la confiance, et cette capacité à transformer les obligations en opportunités.
Plutôt que de redouter l’aigreur d’estomac, autant commencer à explorer les voies d’intégration à notre « régime professionnel »
Sources officielles en cuisine
Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP), calendriers 2026-2027.
Conseil National des Barreaux (CNB), résolutions et rapports 2025.
Textes européens et analyses comparatives (Forbes, Basware).




